mardi 26 août 2014

Le fantôme des Cordeliers




A la place de la poste du centre-ville s’élevait au Moyen Age la chapelle des cordeliers, lieu politique et religieux prisé des Libournais. Ses vestiges sont encore visibles.



David Gauthier, Journal Sud Ouest
Seul un pan de mur se dresse encore rue Jean-Jacques-Rousseau, vestige du couvent des Cordeliers dont la première pierre fût posée en 1287.
Les Cordeliers, moines suivant la règle de Saint François d'Assise, logeaient dans cette église avant d'en être chassés à la Révolution Française. L'endroit était très apprécié des Libournais. Il établissait la jonction entre le religieux et le politique, le profane et le sacré. « Jusqu'à la construction de la Maison de ville (ancêtre de l'hôtel de ville, ndlr), c'est ici qu'étaient gérées les affaires de la bastide, explique Camille Desveaux, historienne spécialisée dans la période médiévale. On y élisait notamment les douze jurats, les conseilleurs municipaux de l'époque ».
Connexion entre ciel et terre
Il faut s'imaginer, à partir des quelques pierres qui ont traversé le temps, l'immense chapelle qui s'érigeait ici. Libourne avait été construite selon un plan romain, en damier. Un quadrillage précis, en 42 « îlots », chaque îlot comprenant des places constructibles. « Le cloitre couvrait à lui seul l'un des plus grands îlots, s'extasie l'historienne. Il mesurait une cinquantaine de mètres de long et quinze mètres de large ». Les villageois du Moyen âge chérissaient cette église. Les généreux donateurs, commerçants et gens de mer, assistaient chaque jeudi à la célébration d'une messe.
Au centre de la cloison de pierres, deux visages angéliques encadrent une fenêtre en bois. « Ils ont une telle sérénité. Ils symbolisent la connexion entre le ciel et la terre. Cela reflète l'atmosphère de l'endroit. » L'enchantement ne dure pas. Camille Desveaux se désole face à l'état de conservation de ces décombres. « Il faut redonner vie à ce bâtiment, plaide-t-elle, pour mettre en valeur le patrimoine de la ville ». Elle imagine la création d'un espace muséal, ou touristique.
Le silence de Princeteau
Une rue plus loin, l'historienne stoppe sa marche au centre de la place René Princeteau. « Le jardin du cloître était là, annonce-t-elle solennellement. Les donateurs, qui permettaient l'entretien du convent, pouvaient aller et venir selon leur gré ».
Cet endroit est une ouverture vers un autre pan de l'histoire de la bastide : le second âge d'or de Libourne, au début du XIXe siècle. « La place est unique par sa forme à douze côtés. Les bâtiments, tout autour, sont cassés en trois », pointe-t-elle du doigt.
Une gravure, sur l'autel au centre de la place, représente le peintre René-Pierre-Charles Princeteau (né à Libourne en 1843). « Il est mort il y a tout juste cent ans, au début de la première guerre mondiale, souligne Camille. Un artiste libournais mondialement connu, ce n'est pas banal quand même ! ».
Le peintre animalier, sourd et muet de naissance, côtoya Alphonse de Toulouse-Lautrec, fut l'un des maîtres de son fils Henri et connut la notoriété à Paris, qu'il quitta en 1883 pour le Libournais. Il finit ses jours à Fronsac. Il partage avec les Cordeliers un morceau du patrimoine de Libourne, qui affleure parfois dans les rues de la bastide pour celui qui sait où regarder.



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