lundi 29 septembre 2014

Les Riches Heures de la Bastide de Libourne:


29 Septembre 1270  
Signature de la charte communale 


                  Le 29 septembre est l’une des dates anniversaires parmi les plus importantes de l’histoire de Libourne. C’est en effet le 29 septembre 1270, jour de la fête de l’Archange Saint-Michel, que le prince Édouard d’Angleterre, qui sera roi deux ans plus tard, accorde aux habitants de notre ville les privilèges et les droits communaux. Depuis 1268, il avait été décidé de faire une bastide du vieux village de Fozera (le Condatis romain) : une ville nouvelle, une cité destinée à accueillir une population importante venue des campagnes, et qui puisse servir à la fois de forteresse et de plateforme pour le développement économique de la région.

            Le prince Édouard qui est aussi duc d’Aquitaine signe cette charte alors qu’il est en route pour la croisade. Il a reçu quelques semaines plus tôt une délégation libournaise qui a sollicité le statut qui est aujourd’hui proclamé.




Edouard I er  (1239 –1307 roi en 1272), fut un roi guerrier et conquérant  qui su imposer l’autorité royale et assurer à ses états une administration solide, la charte de Libourne en atteste. Il est souvent considéré comme l’un des plus grands rois de l’Angleterre médiévale. Son tempérament tenace et autoritaire et parfois même sa brutalité secondèrent ses réalisations
 
 



           


Alors que la bastide sort de terre et prend le nom de Libourne, du nom du sénéchal Roger de Leyburn chargé de la fondation de la ville,  le prince fixe, par cet acte relativement bref, le statut de la cité, son organisation politique, et les privilèges juridiques et économiques qui doivent en favoriser le développement. Cette charte est enracinée dans la durée puisqu’elle oblige le prince et le roi son père mais aussi tous leurs descendants. En cela, elle constitue un gage de sécurité juridique quasiment sacré pour les libournais et leur communauté.

Le statut de la cité 

            Il est proclamé devant tous, nobles, ecclésiastiques, fonctionnaires royaux et simples sujets, que la ville est la propriété personnelle et perpétuelle du roi. En fait de quoi la ville, et les domaines qui en dépendent, ne pourront en aucun cas être concédés à un seigneur féodal ou ecclésiastique. Les habitants de Libourne sont ainsi garantis de n’être justiciables que du roi. Ce dernier, pour sa part, écarte le risque d’un soulèvement de la ville, laissée aux mains d’un seigneur félon, contre l’autorité royale. Parallèlement le pouvoir royal usera aussi de sa prérogative pour éteindre les réclamations des familles nobles qui possédaient sur l’ancien village des droits féodaux, obsolètes du fait de la charte. L’indépendance de Libourne vis à vis de toutes les autorités politiques de l’époque, sauf celle du roi, est ainsi effective.

L’organisation politique de la cité

            Libourne sera organisée en commune avec, pour son administration, des jurats, et un maire élu et confirmé chaque année, jour de la Sainte Marie-Madeleine le 22 juillet, par le roi ou son représentant. Cette municipalité est garante, pour le compte des habitants de la ville, de la bonne exécution de la charte et de la préservation des libertés municipales. Sur ce point, il faut noter que la charte de 29 septembre 1270, si elle fixe et organise le statut de la commune, n’en confirme pas moins les droits anciens et prérogatives dont bénéficiait auparavant Fozera. De sorte que la ville nouvelle est également enracinée dans un passé déjà vieux d’un millénaire.

Les privilèges économiques et juridiques des habitants de la cité

            Ces privilèges sont adressés aux bourgeois de Libourne, c’est à dire aux colons qui viennent s’installer dans les limites de la ville et y achètent un lot de terre. Qu’il s’agisse de privilèges anciens et confirmés ou de droits nouveaux, le contenu de la charte de 1270 rend particulièrement avantageux une installation à Libourne. Les droits sont concédés à titre perpétuel par le roi, nul ne peut y porter atteinte.

En premier lieu il y a des droits civiques concernant :

Ø  la possibilité de choisir des jurats et indirectement un maire, et le fait d’être éligible au rang de jurat et de maire. C’est à la fois une possibilité d’accéder aux affaires publiques et une sorte d’ascension sociale, à cette époque quasiment impossible pour de simples roturiers ;
Ø  le fait de n‘être astreint à un service militaire que sur les seuls territoires des évêchés de Bordeaux et de Bazas, alors qu’à la même époque des sujets ne bénéficiant pas d’un tel privilège suivent leur seigneur où qu’il aille en guerre. En outre la Guyenne est à cette époque un territoire prospère et politiquement stable, placé sous l’autorité d’un des souverains les plus puissants d’Europe. Les risques d’un départ en guerre entre Bordeaux et Bazas pour un libournais contemporain de l’année 1270 apparaissaient faibles ;
Ø  le fait de n’être imposable que pour les seules dépenses nécessaires au fonctionnement de la ville, telles que déterminées par les jurats.

Viennent ensuite des privilèges juridiques et économiques :

Ø  Les libournais sont exemptés des droits de douane dus au roi, à l’entrée, pendant le séjour, ou à la sortie de la ville. Cette exemption dont la cassette royale fait les frais, manifeste la volonté royale de favoriser la circulation des marchandises et l’activité des commerçants installés à Libourne. A cet égard, la charte souligne bien qu’elle est accordée à la ville et à son port. Si d’aucuns ont cru voir dans cette distinction un indice sur l’existence, aux origines de Libourne, de deux ilots d’urbanisation séparés, c’est aussi le témoignage de l’existence d’une activité portuaire réelle, et de la volonté des souverains anglais d’en renforcer le dynamisme pour faire de Libourne une place économique de premier ordre ;

Ø  Les biens des libournais situés sur d’autres régions du domaine royal non seulement en France et en Angleterre mais aussi dans les territoires en voie de soumission à la couronne anglaise : le pays de Galles et l’Irlande, restent soumis aux seules droits et coutumes de Libourne. Par cette disposition les libournais, habitants d’une ville portuaire et volontiers commerçants, bénéficient d’une franchise remarquable en ayant la possibilité de circuler et d’établir des comptoirs sur l’ensemble du territoire de l’immense empire des Plantagenet sans avoir à craindre de déboires résultant de l’application sur leurs biens de droits de douane étrangers et inconnus ;

Ø   Les libournais ne sont tenus que par les dettes qu’ils ont eux mêmes souscrits Ils ne répondent pas des dettes d’autrui (seigneurs ou évêques). Ils sont comptables de leur créance devant le maire.




Le livre velu dont figure ici l’une des pages les plus connues (celle où l’on prêtait serment sur le Christ) est un recueil du XV° siècle où sont retranscrits toutes les chartes et tous les actes contenant les droits dont bénéficiait Libourne. Il est conservé aux Archives de la Ville.

           

Le 25 Août 1270, un mois avant la signature de charte, Saint Louis était mort. Le temps des croisades finissait. Le moyen âge évoluait déjà. La charte, aujourd’hui conservée dans le livre velu, inscrit Libourne dans un ensemble de mouvements qui animent l’Europe au XIIIème siècle :

Ø  une forte progression démographique ; Libourne est un lieu de peuplement nouveau ;
Ø  l’évolution du monde féodal qui voit le pouvoir des seigneurs progressivement maitrisé par les souverains d’Europe ; par la volonté royale Libourne n’est pas un fief féodal ;
Ø  L’évolution économique favorisée par une paix relative et le développement de routes commerciales ; Libourne est particulièrement bien située à cet égard ;
Ø  Un mouvement communal qui, souvent soutenu par les plus hautes autorités politiques, fleurit partout en Europe et voit l’émancipation de noyaux urbains prospères dirigés non plus par des nobles ou des ecclésiastiques mais par les représentants les plus éminents d’une classe sociale en pleine ascension : la bourgeoisie.


            La montée des rivalités franco-anglaises ne tardera cependant pas à entrainer Libourne, comme toutes les bastides de  Guyenne et de Gascogne, dans la guerre de cent ans. L’un des enjeux de ce conflit sera, pour elle, de conserver malgré les troubles et les vicissitudes les privilèges qui lui sont  donnés en ce jour.



Pour l'OPPAL: Jean-François Le Strat
Ont collaboré: Léo Le Strat et Dominique Rose

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