lundi 6 juillet 2015

Secrets d'été : Libourne au fil du temps...


Secrets d’Eté

                                                    Libourne au fil du temps…

A l'heure où l'été s'illumine, Libourne se pare de reflets nouveaux et chatoyants. 
Le soleil joue avec son ombre sur les murs des maisons, 
s'étalant hardiment sur les toits enflammés.
La ville, lentement s'éveille à la vie, sans bruit, sans heurt, sans crainte.
C'est le temps du voyage, l'invitation au rêve...
Voici quelques uns de mes secrets...

Vue de Libourne (aquarelle de C. Desveaux)


Lumière sur les vitraux de Libourne


De tous temps le culte du soleil, source de vie et de fécondité, a été célébré par les hommes. Chaque cosmogonie (naissance du monde et des hommes) débute par l’apparition du Soleil. Considéré au départ comme une divinité parmi d’autres, même s’il se situe toujours au somment de la hiérarchie, le soleil (et la lumière qu’il engendre) va, petit à petit, sous l'influence de la philosophie grecque et des mystères orientaux, évoluer vers une divinité à part entière, un monothéisme solaire. Au XIVème siècle avant Jésus-Christ, Amenhotep IV fera d’Aton, le Dieu unique d’Egypte et prendra le nom d’Akhénaton.
Pour les trois grandes religions monothéistes, Dieu créa la lumière par sa Parole : « Que la lumière soit ! » (Genèse 1). Et la lumière fut séparée des ténèbres pour créer le jour.

Au moyen Age, ère éminemment chrétienne en Occident, les maîtres verriers étaient appelés les « passeurs de lumière ». Tels de véritables bijoutiers du verre, des apôtres de la lumière divine et naturelle, ils alliaient la symbolique de la lumière à sa réalité propre. Mille ans plus tôt, le Christ, rappelant sa nature de Fils de Dieu, avait déclaré « Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit aura la lumière de la Vie et ne marchera plus dans l'obscurité » (Jean 8, 12).

Plus tard les philosophes eux-mêmes utilisèrent cette symbolique. Le mouvement intellectuel communément appelé siècle des Lumières au XVIIIème siècle fit de la lumière le symbole de la connaissance, seule sortie possible de l’obscurantisme et les vitraux artistiques firent leur apparition dans les monuments plublics ou chez de riches particuliers. La lumière devient symbole de richesse (spirituelle et temporelle).

A Libourne, les plus beaux vitraux restent l’apanage des églises, couleurs et luminosité s’y fondent en un résultat unique, transcendantal et parfois historique, mais les grands monuments de la ville ne sont pas en reste ni les belles maisons bourgeoises du XIXème siècle qui conservent parfois encore des chefs d’oeuvre incomparables.

Les Vitraux de L’église Saint-Jean

Le grand vitrail du chœur, fondé en 1839 sous l’impulsion de l’abbé Charriez lors de la restauration de l’église Saint-Jean, illustre toute la vie de Saint Jean-Baptiste. Ces vitraux, composés de trois baies monumentales, sont l’œuvre du maître verrier de Nozan qui venait de réaliser les vitraux de l’église Saint Germain l’Auxerrois à Paris. Cette fresque exceptionnelle, tant par sa taille que par sa beauté et sa couleur, est à rapprocher de l’histoire des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, qui participèrent à la diffusion du culte de Saint-Jean Baptiste au XIIème siècle. Siècle où le premier nom de Libourne, Condatis (le confluent) se transforma en Fozera par l’agrandissement de l’église Saint-Jean de Fozera qui devint l’église paroissiale. On pense qu’elle était appelée ainsi à cause de la végétation qui l’entourait composée d’un grand nombre de fougères (fozera).
Les vitraux racontent l’histoire de Saint Jean-Baptiste depuis sa naissance (première baie) jusqu’à sa décollation le jour de la grande fête donnée en l’honneur du roi Hérode.  Ce jour là, la reine Hérodiade, jalouse du pouvoir de cet homme, ordonna à sa fille, qui avait ébloui l’assemblée en dansant, de demander la tête de Jean le Baptiste comme cadeau. En effet, le roi, émerveillé par la beauté de Salomé, lui avait offert en cadeau de remerciement tout ce qu’elle voudrait, jusqu’à la moitié de son royaume. Lorsqu’elle demanda la tête de celui qui avait baptisé Jésus dans le Jourdain et qui faisait de nombreux miracles autour de lui, le roi fut très peiné mais il tint sa promesse (seconde baie).
Au cours du banquet (troisième vitrail), la tête du Baptiste fut apportée au roi sur un plateau. Ainsi fut mis à mort celui qui annonçait le Messie et dénonçait le caractère incestueux de la liaison entre Hérode et Hérodiade, sa belle-sœur. Ses disciples emmenèrent son corps pour l’enterrer.


Les Vitraux de l’église de l’Epinette

Dans un autre registre, les vitraux de l’église de l’Epinette sont au nombre de huit et encadrent quatre par quatre l’Ecce Homo central. Leur facture est très raffinée aux couleurs vives et attirantes. Ces vitraux racontent l’histoire de l’arrivée de la Sainte Epine à Libourne sous l’impulsion de Charlemagne en l’an 811. Si la vérité historique s’estompe parfois derrière la beauté de l’oeuvre, elle n’en reste pas moins un témoignage unique et visible du rôle de la sainte relique dans l’histoire de la ville de Libourne.
Les vitraux sont signés M.Feur. Marcel Feur, né le 9 janvier 1872 et mort le 28 septembre 1934, est un maître-verrier français connu pour ses vitraux d'art. Fils d'Henri Feur dont il reprend en 1908 la maison bordelaise fondée en 1850, il est notamment à l'origine de la réalisation des vitraux de l’église Sainte-Marie Madeleine de Rennes le Château lors de sa rénovation par l'abbé Saunière à partir de 1872 et de ceux du transept et du chœur de l'église Saint-Martin à Cognac.

Les huit baies:

1- Charlemagne offre la Sainte Epine aux notables de Condatis. L’église Saint Thomas et la confrérie Saint Clair accueillent la Sainte Epine
2- Création de l’Eglise de l’Epinette (légende de l’arbre illuminé). Translation de la Sainte Epine, Aliénor et la Sainte Epine.
3- Libourne anglaise (Richard Cœur de Lion ou le Prince Noir), Jeanne de Kent en procession.
4- Du Guesclin vénère la Sainte Epine (1367). L’Hôtel de ville en feu 1427. Louis XI vénère la Sainte Epine.
5- La Sainte Epine arrête la garnison déchaînée.
6- Les guerres de Religion. Le Cardinal de Sourdis.
7- Procession du Cardinal de Sourdis pour la translation de la Sainte Epine à Saint-Jean Baptiste devant l’Hôtel de Ville.
8- Mgr d’Aviau et le nouveau reliquaire de la Sainte Epine



Les Vitraux et vitreries de l’Hôtel de Ville

Un vitrail exceptionnel reflète à lui seul toute l’histoire du monument, celui du Musée des Beaux Arts. Signé Marcel Feur (encore une fois), il offre un style très contemporain dans lequel les motifs géométriques encadrent les petits ensembles picturaux. Le plus grand est celui du centre. Il représente Marianne habillée en déesse Athéna reconnaissable à Niké (la victoire) qu’elle tient triomphalement dans sa main droite avec la palme du mérite.


Le 2 février 1427, un manuscrit relaté par Jean-Baptiste Decazes au XVIIIème siècle, indique que trois secousses de tremblement de terre ébranlèrent la ville et que « les murs de l’Hôtel de Ville, déjà élevés en partie, pour recevoir la charpente, furent tellement dégradés qu’il fallut en rebâtir la moitié » (cf le vitrail n°4 de l’église de l’Epinette).
Ce monument perdura sans modifications jusqu’au XIXème siècle.
Il n’était constitué alors que du corps principal, rectangulaire qui s’étirait le long de la rue Jules Ferry. Il comportait une toiture à forte pente dite « à la guise de France » avec pignon en façade donnant sur la place. Le bâtiment était flanqué de deux tours, la tour de l’Horloge située sur les couverts avec une chapelle aménagée à l’étage qui jouxtait la salle de réunion de la Jurade, et la tour des Archives, toujours située en prolongement du corps principal sur la rue Jules Ferry. Une tourelle d’escalier située dans la cour, à l’emplacement de l’accueil permettait l’accès à l’étage.

En 1907, le bâtiment primitif fut profondément remanié tout en gardant l’esprit originel : vitraux et vitreries, boiseries et bas-reliefs, complétèrent le riche ensemble architectural souhaité par l’architecte Rapine.

Les vitraux de la Chapelle de Condat

La chapelle du château des rois d’Angleterre, détruit à la fin de la Guerre de cent-Ans, dans la presqu’île de Condat, devint rapidement, sous l’impulsion d’Aliénor d’Aquitaine, un grand sanctuaire marial (dédié à la Vierge Marie). Sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, les pèlerins y venaient par milliers, comme les nombreux marins de la Dordogne prêts à reprendre les voiles. Copie de la chapelle basse de la Sainte Chapelle à Paris, tous ses vitraux racontent l’histoire de la Vierge.

A gauche en entrant :
1- la présentation de la Vierge au Temple par ses parents Anne et Joachim
2- l’Annonciation
3- la Visitation
4 (vitrail du choeur) : la Nativité
5 (vitrail du Chœur) : l’Adoration des Mages
6 : La Vierge en Majesté, récemment remis en lumière par l’abaissement de la toiture de la sacristie.
7- (vitrail du Chœur) : présentation de Jésus au Temple, avec le vieillard Siméon qui reconnaît le Sauveur dans les bras de Marie.
8- (vitrail du chœur) : la Fuite en Egypte
9- la Sainte Famille
10- la mort du Christ
11- l’Assomption de la Vierge
Les vitraux sont signés Lusson et Lefèvre : en 1872, Antoine Lusson possèdait un atelier fort réputé à Paris et dans toute la France. La célébrité de cet artiste originaire du Mans lui vient d’avoir remporté le concours de restauration des vitraux de la Sainte-Chapelle en 1849 et d’avoir participé à de nombreux chantiers de restauration comme celui de Notre-Dame de Paris. Chef de file du vitrail néo-gothique, il est un maillon essentiel de la renaissance du vitrail au XIXe siècle. Son travail à la Chapelle de Condat montre à tous ses visiteurs, la magnificence dont elle fut l’objet au XIXème siècle.

Les vitraux de la Chapelle du Carmel

C’est en 1838 que l’abbé Charriez, qui avait participé à la restauration de l’église Saint-Jean et à l’ouverture des baies destinées à recevoir les vitraux de Saint-Jean Baptiste, décida de fonder un monastère du Carmel à Libourne.
Dès 1842, les libournais furent autorisés à assister aux offices des Carmélites dissimulées derrière une haute grille selon leur vœu de vivre cloîtrées.
La chapelle, seule édifice conservé après la fermeture du Carmel et sa destruction, est un édifice à nef unique, décorée d’un faux plafond et se terminant au nord-est par une abside. Elle est devenue l’annexe contemporaine du Musée des Beaux Arts de Libourne.
Deux magnifiques rosaces ont survécu aux travaux de démolition, celle de la façade aux motifs géométriques et entrelacs de feuilles plutôt modernes à l’instar de la croix centrale aussi discrète que stylisée. L’entrée de la chapelle étant située en face de la ville et de son magnifique Hôtel, dans le prolongement de la rue Gambetta, veut certainement que le vitrail d’entrée garde une certaine sobriété malgré la magnifique statue de la Vierge du Mont Carmel qui le surplombe.

Les vitraux des grandes maisons bourgeoises

 
        A Libourne, le XIXème siècle fut celui des grands remaniements de la ville. Après la Révolution, les remparts furent démolis à cause de la pression démographique. Les casernes furent construites, les quais aménagés, les eaux canalisées, la verrerie et la faïencerie créées…
En 1848, l’éclairage public fit son apparition à Libourne. Les grandes mesures d’hygiène publique prônées par les municipalités successives permirent dans le même temps de créer un abattoir, des Haras et un champ de foire. Enfin le pont de pierre construit en 1820 fut classé parmi les 11 plus beaux de France.
La ville s’agrandit et la population passe de 8300 habitants en 1801 à plus de 20 000 habitants en 1911.

C’est dans ce conteste florissant que les riches libournais n’hésitèrent pas à faire entrer à leur tour l’art et la lumière dans leur demeures :
Vitrail du musée Robin à Libourne


Petits vitraux du cimetière de la Paillette

        Le cimetière de la Paillette reste un bel exemple de restauration du XIXème siècle et est devenu un cimetière patrimonial par excellence au même titre que le Père Lachaise à Paris ou la Chartreuse à Bordeaux. De magnifiques monuments de pierre y sont dénombrés et parmi eux vingt-deux chapelles funéraires dont certaines possèdent de jolis vitraux. Ici, la symbolique ornementale est fort riche et nous plonge dans les dédales de l’histoire et du temps.





Camille Desveaux

Libourne, la Confluente          Toute l’histoire de Libourne est placée sous le signe de la confluence.  Confluence de r...