mercredi 20 mai 2020

Les Pierres Précieuses de Libourne






Les Pierres Précieuses de Libourne





Le 29 septembre prochain, la bastide fêtera ses 750 ans. 
Cette célébration sera l’occasion pour tous, de nous retrouver autour de Roger de Leyburn, illustre parrain de notre bastide, en compagnie de Bob Ulph, maire de Leybourne, près de Londres, et des propriétaires du château natal du chevalier anglais. 

Cette fête sera aussi pour moi, la consécration de 30 années de recherches et de travaux sur l’histoire de la jolie bastide du confluent, l’aboutissement d’un long parcours de mise en lumière historique et patrimoniale que je garderai à jamais dans mon cœur.


          Je vous propose de revenir chaque semaine sur ces pierres précieuses qui ont fait ou font encore la beauté de Libourne, dans une série exceptionnelle, reprenant de manière originale les grands lieux de la bastide, leur origine et les personnages qui ont gravité autour d’eux. Je vous invite à un grand voyage dans le temps, un retour aux sources, qui nous réconciliera avec nos origines pour mieux nous ancrer dans la beauté de notre présent, loin des vicissitudes et des incertitudes temporelles…

          Alors sans plus attendre, partons à la découverte de Libourne, qui à l’origine, s’appelait Kendatten en celte, Condatis en latin, ce qui veut dire : confluent !





Episode 2



Le château de Libourne








C’est sur la terre sacrée des druides, dans la presqu’île boisée de Condat, que fut érigé, aux alentours de l’An Mil, le célèbre château de Condat ou Condatis (premier nom de Libourne). Au départ, ce n’était qu’un domaine de chasse appartenant au duc d’Aquitaine, Guillaume VIII, arrière grand-père d’Aliénor, un lieu de villégiature pour la cour ducale, désireuse de s’éloigner de l’atmosphère appesantie de Bordeaux durant l’été. Au fil des ans, l’édifice s’est transformé en une véritable forteresse médiévale au nom maintes fois cité dans les chroniques de France et d’Angleterre. Et pour cause…
Parmi tous ses illustres hôtes, l’on compte Aliénor d’Aquitaine et son époux, Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre, leurs fils Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre, mais aussi  Henri III ou encore le chevalier de Leyburn, fidèle ami du roi Edouard Ier d’Angleterre.
Une foule de personnages hauts en couleur qui ont marqué l’histoire autant qu’ils ont façonné Libourne de leur empreinte. Grâce à eux, le petit port du confluent est devenue une ville commerçante renommée au carrefour des grands axes de communication fluviaux et routiers.


Le saviez-vous ?


A près de 100 km à l’intérieur des terres, le port de Condatis, grâce à sa situation géographique exceptionnelle, pouvait accueillir les grands bateaux de mer arrivant de l’Europe entière : c’était le premier port de navigation maritime sur la Dordogne ! Imaginez, les vaisseaux trois mâts empruntaient le large et long couloir de l’estuaire avant de sillonner le fleuve jusqu’au vaste confluent de l’Isle et de la Dordogne, permettant l’ancrage des navires aux portes de la ville.
Dès la période gallo-romaine et surtout au Moyen Age, les bateaux de haute mer remontaient la Dordogne au rythme des marées pour décharger leur fret à Libourne. Puis ils repartaient vers l’océan, chargés des marchandises et denrées apportées par l’Isle et la Dordogne, en provenance de l’intérieur des terres, principalement du Périgord. L’attente de la marée haute, où la navigation était la moins dangereuse obligeait les bateaux à rester à quai des heures durant soit à l’entrée de l’estuaire près du Verdon, soit aux portes de Libourne.
Cette situation exceptionnelle a été l’élément fondateur de la construction de la bastide de Libourne, qui fut jadis, en concurrence directe avec la ville de Bordeaux !


Le Prince Noir à Condat


Parmi les bienfaiteurs de la ville, il en est qu’un qui apprécia particulièrement le château de Condat : c’est le Prince Noir, alias Edouard de Woodstock, fils aîné du roi d’Angleterre Edouard III. Durant les onze années qu’il passa en Aquitaine, son épouse, la belle Jeanne de Kent, séjourna de longs mois au château de Condat, côtoyant quotidiennement les habitants de la nouvelle bastide. Lorsque le prince Noir fit ordonner, à ses frais, la construction des murailles de la ville, les libournais offrirent aux deux tours du portail de la Mer, le nom d’Edouard (pour Edouard de Woodstock) et Richard (pour le futur Richard II, fils du Prince et de Jeanne de Kent). Ainsi la Tour du Grand Port d’aujourd’hui se nomme-t-elle Tour Edouard et sa petite sœur, Tour Richard !



Bertrand Du Guesclin, prisonnier à Condat


En 1365, Le Prince Noir croisa le destin d’un autre célèbre protagoniste de l’Histoire de France : Bertrand Du Guesclin, farouche défenseur du roi de France et ennemi de la couronne d’Angleterre.
La guerre de succession d’Espagne venait de débuter et le Prince Noir avait pris position pour le roi de Castille détrôné : Pierre le Cruel. Ce dernier vint à Condat et supplia le Prince de l’aider à reconquérir la couronne de Castille, lui promettant une récompense mirobolante. Un traité fut signé le 23 septembre 1366 au Château de Condat. Quelques mois plus tard, le 3 avril 1367, l’armée du Prince Noir défit les troupes françaises à Navarette. Dans la débâcle, Bertrand Du Guesclin fut arrêté. Celui qu’on appelait le Dogue Noir de Brocéliande fut fait prisonnier par le Prince Noir et retenu au Palais de l’Ombrière à Bordeaux et au Château de Condat, selon les règles de bienséance de la Chevalerie.

C’est ici qu’il demanda la somme faramineuse de 100 000 écus d’or pour sa rançon (soit 460 kilos d’or) et lança la fameuse tirade :
« Je vous déclare et je m’ose vanter :
Il n’y a pas une fileuse en France à travailler
Qui ne tâcherait de gagner ma rançon à filer,
Et qui ne voudrait de vos prisons ôter. »

Sûr de lui et de son charme auprès de la gent féminine, il étonna le Prince Noir et son entourage pour son arrogance et son audace. De Libourne à Bordeaux, tout le monde voulait voir cet homme qui se prenait pour un seigneur et des foules de gens se pressaient au Château de Condat pour le voir. Les avis étaient partagés à son sujet, certains l’admiraient, d’autres se moquaient de lui.
C’est Jeanne de Kent, l’épouse du Prince Noir qui participa la première à la constitution de sa rançon en versant 10 000 doubles d’or, il fut libéré le 17 janvier 1368.


Le rubis du Prince Noir


Le seul cadeau qu’offrit Pierre le Cruel au Prince Noir, sur les nombreuses promesses qu’il ne tint jamais, fut un rubis exceptionnel considéré comme le plus beau du monde. Le Prince Noir le fit incruster dans sa cuirasse jusqu’à sa mort. Selon la légende, c’est ce même rubis, d’un poids estimé à 170 carats, qui sauva le roi Henri V lors de la bataille d’Azincourt en 1415. Ce dernier l’avait fait enchâsser dans sa couronne et lui dut son salut quand l’épée ennemie ricocha sur la pierre précieuse qui en porte encore la marque. En 1838, la reine Victoria l’incrusta dans la Couronne impériale d’apparat avec d’autres pierres de grande valeur comme le saphir de Saint Edouard et le célèbre Cullinan II, plus gros diamant brut du monde. En 1937, le roi George VI fit remplacer le socle de la couronne par une monture plus légère et confortable. Cette couronne, utilisée régulièrement par la reine Elisabeth lors des grandes cérémonies, est conservée dans la Jewel House de la Tour de Londres.


La destruction du Château de Condat


Un an après la mort du Prince Noir, souffrant d’hydropisie, en 1376, Bertrand Du Guesclin revint à Libourne pour se venger et détruire le Château de Condat. Il ne réussit pas cependant à l’anéantir entièrement. Reconstruit par la suite, ce n’est qu’en 1453 que l’armée française, forte de sa victoire sur les troupes anglaises à Castillon, se rua sur la ville de Libourne dont le dévouement à l’Angleterre avait duré trois siècles, et mit à sac le Château de Condat, fief réputé des rois d’Angleterre.
De nombreux libournais quittèrent la bastide du confluent pour se réfugier en Angleterre après la Guerre de Cent Ans. Pour la plupart marins et commerçants dans l’âme, dignes descendants des fiers bituriges vivisques, ils n’avaient jamais abandonné leur fidélité à la duchesse Aliénor après son mariage avec Henri II Plantagenêt, nouveau roi d’Angleterre.
Au contraire ce débouché vers l’Europe du Nord leur avait ouvert les portes d’un négoce en plein essor : celui du vin…


Où se trouvait le château de Libourne ?


Depuis le XVIIIème siècle, plusieurs historiens libournais se sont attachés à faire revivre le château de Libourne, en dessiner les contours ou en restituer les chroniques. La forteresse faisait partie de la Seigneurie de Condat et Barbanne appartenant aux rois d’Angleterre. Après être passée entre les mains des rois de France au sortir de la Guerre de Cent Ans puis celles du Duc d’Epernon en 1627 et du Duc de Foix en 1711, la seigneurie cessa d’exister à la fin du XVIIIème siècle.

En 1895, M. de Séguin, propriétaire à Condat, et M. Rocherol, entrepreneur, découvrirent des restes de murs dans le parc de la propriété située en face de la Chapelle de Condat. Des murs de forme circulaire évoquèrent les vestiges de deux tours, ce qui permit de penser que les restes du château avaient été retrouvés. Mais grâce à une prospection archéologique plus complète, effectuée en 2001, ces substructions s’avérèrent les restes d'un édifice gallo-romain antique et non d'un château médiéval.

En 2016, des analyses géologiques laissèrent apparaître de nombreuses substructures enfouies dans la vigne attenant à la Chapelle de Condat (Autrefois propriété de la famille Fournial, ce vignoble appartient désormais à la famille Janoueix). Un immense quadrilatère a ainsi pu être délimité à quelques mètres à peine de la Chapelle de Condat, au nord-ouest de l’édifice.
Cette position stratégique à l’entrée de la presqu’île a été corroborée par une série de clichés photographiques aériens laissant apparaître des traces de substructures au même endroit ainsi que la présence d’un souterrain conduisant à la chapelle.









Pourquoi ne reste-t-il aucun vestige de ce célèbre château ?


Les châteaux médiévaux du XIIIème siècle étaient constitués d’une ossature en bois et d’un habillage de pierre. Or le bois a entièrement brulé lors de l’incendie déclenché par les soldats français en 1453 et les pierres furent toutes réutilisées pour la réfection des murailles de la ville. Les deux piles en pierre à l’entrée de l’Impasse Lacapelle sont les derniers vestiges d’une muraille castrale plus récente délimitant le parc du château et de sa chapelle.
Quant au souterrain, l’on dit qu’il existe encore…
Mystère…


                                                                             Camille



Si vous souhaitez en savoir plus sur le château de Condat, rendez-vous sur la page Facebook de l’OPPAL (Optimisation et Promotion du Patrimoine Libournais) ou dans mes ouvrages :

Libourne Eternelle
Libourne, Genèse d’une bastide,
Il était une fois la Chapelle de Condat,
Il était une fois la Sainte Epine de Libourne,
Roger de Leyburn, l’homme qui laissa son nom à Libourne

En vente dans toutes les librairies
- Librairie Madison
www.librairie-madison.fr
- Librairie Acacia Formatlivre
- La Tabatière
- L’Office de Tourisme du Libournais
http://www.tourisme-libournais.com/



A la semaine prochaine pour de nouvelles aventures !




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