Le chevalier
de Leyburn
Lieutenant du Roi d’Angleterre
Lieutenant du Roi d’Angleterre
(29 novembre 1269)
Le Titre de Lieutenant
Dès l’institution
de l’office de Lieutenant vers la fin du XIIIème siècle, émanant du roi de
France pour le gouvernement des nouveaux territoires du sud-est, et du roi
d’Angleterre pour le gouvernement de ses possessions en Aquitaine, d’importants
pouvoirs vont être donnés à ces hommes considérés comme les égaux de leur
souverain dans ces provinces lointaines.
Selon l’historien
J.-P. TRabut-Cussac, sir Roger de Leyburn serait le second à porter ce titre
dans l’histoire des lieutenants du roi, huit ans après Gui de Lusignan et 14 ans
avant Jean de Grailly. Ce titre honorifique offraient aux titulaires de
l’office de très larges pouvoirs militaires leur donnant la faculté de recruter
des troupes à la solde du roi, rassembler et commander ses armées, établir des
garnisons dans les villes, les châteaux et les forteresses, nommer ou révoquer
les capitaines qui étaient à leur tête, assurer l’équipement nécessaire à leur
défense. Ils jouissaient également d’un pouvoir juridique étendu leur
permettant de nommer ou révoquer les fonctionnaires locaux. Ils pouvaient faire
entrer des individus ou des communautés dans l’allégeance du roi, confirmant
libertés et franchises ou inversement confisquer les terres de ceux qui se
soustrayaient à l’allégeance. "Ils pouvaient accorder des sauf-conduits,
imposer des amendes ou des rançons, conclure des alliances et des accords avec
de hauts personnages ou des trêves locales avec l’ennemi. Ils étaient assistés,
dans les devoirs de leur charge, par un conseil dont les membres se recrutaient
parmi leurs propres officiers ou ceux du roi qui les accompagnaient ou par les
fonctionnaires locaux. En bref, ils pouvaient faire, comme disent fréquemment
les commissions, toutes choses que le roi
pouvait faire si il était là lui-même"*.
* Kenneth Fowler, Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement public supérieur.
Sir Roger de Leyburn
Cette
« super »nomination du chevalier de Leyburn donne une idée de la
haute notoriété du fondateur de la bastide de Libourne. Il était considéré
comme le vice roi d’Angleterre en Aquitaine. C’était la plus haute nomination
qu’un officier du roi pouvait avoir en dessous du roi lui-même. L’acquisition
de l’office de Lieutenant lui fut donnée cinq jours après sa qualification
d’agent solennel (ou officiel) par Edouard, fils du roi d’Angleterre lui
transférant ses pouvoirs « en toutes choses », le 24 novembre 1269.
En moins d’une
semaine, le chevalier de Leyburn passait du rôle d’agent solennel du Prince Edouard
à Celui de Lieutenant du Roi d’Angleterre, la place la plus prisée du royaume
après le roi : une consécration pour ce soldat et propriétaire terrien du
Kent qui avait acquis par ses mérites de nombreux titres dont celui de High
sheriff du Kent et gardien du château de Nottingham ainsi qu’une grande quantité
de terres.
Les armes des Leyburn: d'Azur à six lions d'argent |
La bastide de Libourne
Au départ de la
Huitième croisade où Saint Louis trouva la mort aux portes de Tunis, le
Lieutenant de Leyburn fut mandaté par le roi d’Angleterre pour fonder une ville
nouvelle à la place de Condatis devenu
Fozera (anciens noms de Libourne) : une bastide. En 150 ans, près de 400
bastides virent le jour en Aquitaine. Ces villes nouvelles dotées d’une charte
communale et gérée par un maire et des élus, étaient une véritable révolution
dans un Moyen Age principalement soumis à l’autorité seigneuriale. La
formidable expansion économique de la région, l’accroissement de la population
et les tensions toujours plus importantes entre la France et l’Angleterre
furent les principales causes de l’explosion de ces cités fortifiées.
Construites sur le modèle du camp romain avec un plan calqué sur le relief du
sol et des rues en damier, ces villes étaient de véritables forteresses. Condatis alias Fozera possédait un atout
supplémentaire et non des moindres, sa situation unique, au confluent de l’Isle
et de la Dordogne. Le roi d’Angleterre qui logeait souvent au château de
Condatis avait bien compris son intérêt. Depuis le mariage d’Aliénor et Henri
Plantagenêt, le commerce aquitain ne cessait de prospérer stimulé par les
échanges incessants avec l’Angleterre. Le plus fructueux était certainement
celui du vin qui, depuis la prise de la Rochelle en 1224 par les français,
était devenu l’apanage des viticulteurs bordelais et libournais. Une véritable
aubaine pour Fozera qui croissait à vue d’œil. Le bourg allait devenir le noyau
central d’une ville nouvelle moyenâgeuse promise à un grand avenir. Avenir
désormais scellé à celui de l’Angleterre grâce à Roger de Leyburn, qui lui
offrit son nom après sa fondation.
Le village de Leybourne dans le Kent
Gravement malade,
il mourut deux ans plus tard après avoir fait le vœu que son cœur soit ramené
dans son village natal du Kent, nommé Leybourne, qui existe encore aujourd’hui et possède les ruines du château de la noble famille des Leyburn. Dans
la petite église de Saint Pierre et Saint Paul, on peut voir un magnifique vitrail
comparant la ville de Libourne en France et le village de Leybourne, en
Angleterre ainsi que, dans un mur, le reliquaire du cœur de Roger de Leyburn,
père de la bastide de Libourne.
Les ruines du château des Leyburn derrière le manoir récent |
La petite église de Leybourne, cl. C. Desveaux |
C. Desveaux et J.-F. Le Strat pour l'OPPAL