lundi 1 décembre 2014

Le chevalier de Leyburn, Lieutenant du Roi d’Angleterre



Le chevalier de Leyburn 

Lieutenant du Roi d’Angleterre

                                (29 novembre 1269)






      Le Titre de Lieutenant

       Dès l’institution de l’office de Lieutenant vers la fin du XIIIème siècle, émanant du roi de France pour le gouvernement des nouveaux territoires du sud-est, et du roi d’Angleterre pour le gouvernement de ses possessions en Aquitaine, d’importants pouvoirs vont être donnés à ces hommes considérés comme les égaux de leur souverain dans ces provinces lointaines.

       Selon l’historien J.-P. TRabut-Cussac, sir Roger de Leyburn serait le second à porter ce titre dans l’histoire des lieutenants du roi, huit ans après Gui de Lusignan et 14 ans avant Jean de Grailly. Ce titre honorifique offraient aux titulaires de l’office de très larges pouvoirs militaires leur donnant la faculté de recruter des troupes à la solde du roi, rassembler et commander ses armées, établir des garnisons dans les villes, les châteaux et les forteresses, nommer ou révoquer les capitaines qui étaient à leur tête, assurer l’équipement nécessaire à leur défense. Ils jouissaient également d’un pouvoir juridique étendu leur permettant de nommer ou révoquer les fonctionnaires locaux. Ils pouvaient faire entrer des individus ou des communautés dans l’allégeance du roi, confirmant libertés et franchises ou inversement confisquer les terres de ceux qui se soustrayaient à l’allégeance. "Ils pouvaient accorder des sauf-conduits, imposer des amendes ou des rançons, conclure des alliances et des accords avec de hauts personnages ou des trêves locales avec l’ennemi. Ils étaient assistés, dans les devoirs de leur charge, par un conseil dont les membres se recrutaient parmi leurs propres officiers ou ceux du roi qui les accompagnaient ou par les fonctionnaires locaux. En bref, ils pouvaient faire, comme disent fréquemment les commissions, toutes choses que le roi pouvait faire si il était là lui-même"*.





* Kenneth Fowler, Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement public supérieur.

      Sir Roger de Leyburn

        Cette « super »nomination du chevalier de Leyburn donne une idée de la haute notoriété du fondateur de la bastide de Libourne. Il était considéré comme le vice roi d’Angleterre en Aquitaine. C’était la plus haute nomination qu’un officier du roi pouvait avoir en dessous du roi lui-même. L’acquisition de l’office de Lieutenant lui fut donnée cinq jours après sa qualification d’agent solennel (ou officiel) par Edouard, fils du roi d’Angleterre lui transférant ses pouvoirs « en toutes choses », le 24 novembre 1269.
En moins d’une semaine, le chevalier de Leyburn passait du rôle d’agent solennel du Prince Edouard à Celui de Lieutenant du Roi d’Angleterre, la place la plus prisée du royaume après le roi : une consécration pour ce soldat et propriétaire terrien du Kent qui avait acquis par ses mérites de nombreux titres dont celui de High sheriff du Kent et gardien du château de Nottingham ainsi qu’une grande quantité de terres.



Les armes des Leyburn: d'Azur à six lions d'argent



     La bastide de Libourne

       Au départ de la Huitième croisade où Saint Louis trouva la mort aux portes de Tunis, le Lieutenant de Leyburn fut mandaté par le roi d’Angleterre pour fonder une ville nouvelle  à la place de Condatis devenu Fozera (anciens noms de Libourne) : une bastide. En 150 ans, près de 400 bastides virent le jour en Aquitaine. Ces villes nouvelles dotées d’une charte communale et gérée par un maire et des élus, étaient une véritable révolution dans un Moyen Age principalement soumis à l’autorité seigneuriale. La formidable expansion économique de la région, l’accroissement de la population et les tensions toujours plus importantes entre la France et l’Angleterre furent les principales causes de l’explosion de ces cités fortifiées. Construites sur le modèle du camp romain avec un plan calqué sur le relief du sol et des rues en damier, ces villes étaient de véritables forteresses.  Condatis alias Fozera possédait un atout supplémentaire et non des moindres, sa situation unique, au confluent de l’Isle et de la Dordogne. Le roi d’Angleterre qui logeait souvent au château de Condatis avait bien compris son intérêt. Depuis le mariage d’Aliénor et Henri Plantagenêt, le commerce aquitain ne cessait de prospérer stimulé par les échanges incessants avec l’Angleterre. Le plus fructueux était certainement celui du vin qui, depuis la prise de la Rochelle en 1224 par les français, était devenu l’apanage des viticulteurs bordelais et libournais. Une véritable aubaine pour Fozera qui croissait à vue d’œil. Le bourg allait devenir le noyau central d’une ville nouvelle moyenâgeuse promise à un grand avenir. Avenir désormais scellé à celui de l’Angleterre grâce à Roger de Leyburn, qui lui offrit son nom après sa fondation.









    Le village de Leybourne dans le Kent


        Gravement malade, il mourut deux ans plus tard après avoir fait le vœu que son cœur soit ramené dans son village natal du Kent, nommé Leybourne, qui existe encore aujourd’hui et possède les ruines du château de la noble famille des Leyburn. Dans la petite église de Saint Pierre et Saint Paul, on peut voir un magnifique vitrail comparant la ville de Libourne en France et le village de Leybourne, en Angleterre ainsi que, dans un mur, le reliquaire du cœur de Roger de Leyburn, père de la bastide de Libourne.




Les ruines du château des Leyburn derrière le manoir récent


La petite église de Leybourne, cl. C. Desveaux




C. Desveaux et J.-F. Le Strat pour l'OPPAL


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