mercredi 10 juin 2020

La Chapelle de Condat




La Chapelle de Condat

  




Son Histoire
   


Située à l’entrée d’un grand méandre de la Dordogne, près du port de Libourne, la chapelle de Condat domine fièrement la nature verdoyante de la palus de Condat. Construite au XIème siècle par l’arrière grand-père d’Aliénor d’Aquitaine, elle était autrefois la chapelle castrale de la seigneurie de Condat et Barbanne.




Au XIème siècle, lors de la construction du château de Condat (qui au départ n’était qu’un domaine de chasse des ducs d’Aquitaine), la chapelle fut érigée sur le lieu même où les druides se rassemblaient mille ans plus tôt près de la source sacrée de Condat. Toute petite, elle se trouvait à l’extérieur du château près des écuries et autres dépendances.


Au temps d’Aliénor, un événement inattendu fit basculer son destin : miraculeusement guéri d’un mal incurable à Rocamadour, le roi Henri II Plantagenêt fit ramener à Condat, une relique de Saint Amadour dans la chapelle qui devint alors une halte incontournable sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle. Le culte des reliques débutait, or Libourne possédait depuis trois siècles une Sainte Relique c’est à dire une relique attribuée à Jésus : une des épines de sa célèbre couronne, offerte par Charlemagne aux habitants de Condatis lorsqu’il habita sa forteresse de Fronsac, tout en haut du tertre…



Bref, pour permettre à tout un chacun d’entrer dans ce lieu saint et vénérer les reliques,  la chapelle fut agrandie aux dimensions actuelles. Dédiée à la Vierge Marie, elle devint, dès le XIIème siècle, un sanctuaire de grande renommée, l’un des plus grands d’Aquitaine, où les marins venaient en procession demander la grâce d’un bon voyage à Notre Dame de Condat. N’oubliez pas que Libourne était un port de mer et que les trois mâts arrivaient jusqu’aux portes de la ville se mélangeant aux nombreuses embarcations des rivières de l’Isle et de la Dordogne.

C’est grâce à Notre Dame de Condat que la chapelle résista à la folie dévastatrice de l’armée française au lendemain de la bataille de Castillon. Mieux, elle fut entièrement restaurée, à la demande du roi de France Louis XI, venu en personne à Libourne en 1462. Il décida d’en faire une copie de la chapelle basse de la Sainte Chapelle à Paris et la dota d’une somptueuse voûte telle que nous pouvons la contempler aujourd’hui.

Trois siècles plus tard, la Révolution Française sonna le glas du célèbre sanctuaire. Désacralisée et transformée en grenier elle fut vendue pour une bouchée de pain.
La légende veut que durant ce temps là, la statue vénérée de la Vierge de Condat, disparaisse…
C’est lorsqu’on la retrouva, enfouie dans la terre d’un vignoble de Saint-Emilion, que les Libournais virent là un signe du ciel et décidèrent de reconstruire « sa maison ». Une restauration sans précédent lui donna l’allure et les couleurs que nous pouvons encore contempler aujourd'hui.





Dès lors, Notre Dame de Condat retrouva son lustre d’antan et ses couleurs royales, qui même en l’absence du château des rois d’Angleterre, lui confèrent cette majesté et cette grâce uniques.

Pour beaucoup de libournais qui y ont fait leur première communion ou s’y sont mariés, la chapelle de Condat est un véritable joyau serti dans la mémoire de leur cœur, mais pour moi, qui tente depuis trente ans d’en percer les secrets, elle représente l’âme de Libourne, le lieu où tout a commencé…




Son Architecture

L’architecture de la Chapelle Royale de Condat est entièrement liée à son histoire. A sa construction, il y a environ mille ans, elle était si petite que seuls, les propriétaires du château de Condat pouvaient s’y rendre afin de célébrer l’office divin. C’était une chapelle privée dont la structure externe en moellons révèle sa forme primitive autour du chœur actuel.

Au temps d’Aliénor, avec le développement des chemins de pèlerinage (Jérusalem, Rome, Saint-Jacques de Compostelle), l’église est agrandie pour pouvoir accueillir tous les fidèles en marche vers les lieux saints. A l’extérieur, les pierres de taille qui ont servi à élargir l’édifice sont bien visibles et contrastent avec la partie en moellons du chœur  primitif.

Quand l’Aquitaine redevint française en 1453, le château de Condat fut entièrement détruit, mais le roi de France Louis XI, fasciné par la chapelle de Condat et son caractère sacré, ordonna immédiatement sa restauration. Toute l’architecture gothique flamboyante que nous pouvons admirer aujourd’hui provient de cette époque : un chef d’œuvre d’ingénierie doté d’une voûte exceptionnelle qui ravit toujours par la beauté de ses lignes. Seules les peintures étaient différentes : les quelques fragments visibles au dessus de la toiture révèlent une peinture à la chaux blanche constellée de fleurs de lys couleur ocre rouge. Le roi de France voulait y afficher sa royauté.


Ses Couleurs            


Les peintures de la Chapelle de Condat, à Libourne, sont le signe le plus visible de sa magnificence. Elles viennent sublimer son architecture gothique.

Souvenez-vous : après la restauration de la fin du XVème siècle, sur ordre du roi de France Louis XI à la demande des libournais, la chapelle se parait d’une architecture flamboyante rivalisant de beauté avec les plus belles chapelles royales de France. Pendant près de trois siècles, Notre Dame de Condat fut considéré comme l’un des plus grands sanctuaires mariaux d’Aquitaine. La Révolution Française mit un terme brutal à son essor spirituel et elle fut transformée en grenier. Son état de délabrement était si grand que les libournais décidèrent, face à l’ampleur des travaux de restauration, de construire ne nouvelle chapelle à l’angle de l’avenue Louis Didier et de l’avenue de Condat (en lieu et place du Secours Populaire) au lieu de la restaurer.


Mais c’était sans compter la Vierge miraculeuse de Condat… La légende veut que la statue vénérée de la Vierge de Condat (en bois noir polychromé), qui avait disparu depuis des années, fut retrouvée dans un champ de viticulteurs saint-émilionnais. La reconnaissant, ils décidèrent de la ramener au nouveau sanctuaire de l’avenue Louis Didier. Mais le lendemain matin, qu’elle ne fut leur surprise de la retrouver exactement au même endroit dans leur champ.

Cette étrangeté dura trois jours. C’est le temps, nécessaire qu’il fallut aux libournais pour comprendre que la nouvelle chapelle ne plaisait pas à Notre Dame de Condat qui voulait revenir chez elle…
Pour ceux qui s’intéressent aux Vierges noires et à leur légende, Notre Dame de Condat en est une digne héritière. Ne vous y trompez pas, ses couleurs proviennent des pigments utilisés pour peindre la sculpture primitive du XVIème siècle qui était en bois de chêne foncé…

C’est alors qu’un vaste programme de rénovation vit le jour et que la chapelle fut entièrement illuminée des couleurs de la Sainte Chapelle à Paris où travaillait le célèbre architecte Viollet Le Duc.
Ce sont ses élèves et collègues, les architectes Paul Abadie et Léo Courau qui magnifièrent l’architecture de la chapelle de Condat grâce à des peintures bleues et ocres surhaussées d’or et filigranées.  Chaque sculpture, chaque feston, chaque ornement reçut un soin particulier et retrouva son éclat d’antan. Le sol se para des bois les plus  précieux.

 


La voûte s’illumina d’étoiles d’or, symbole de la Vierge Marie, peintes à la main avec une extrême minutie. Les murs s’auréolèrent de peinture ocre symbolisant la puissance du Christ et se ponctuèrent de fleurs de lys rappelant le pouvoir temporel du lieu. En valorisant la double royauté céleste et temporelle, Viollet-Le-Duc, ici comme à Paris, symbolisait la rencontre du ciel et de la terre, la jonction des cœur et des âmes devant celle qui les protégeait depuis des siècles : la Vierge Couronnée de Condat.

Pour honorer l’Hôtesse divine, les vitraux furent commandés à l’atelier Lusson à Paris, pour célébrer les grands moments de l’histoire de la Vierge. Antoine Lusson avait acquis sa renommée en remportant le concours de restauration des vitraux de la Sainte Chapelle en 1849.




Ses Miracles


La légende de la Vierge Noire

La Vierge vénérée de Condat est une vierge en bois de chêne du XVIème siècle, polychromée à la fin du XIXème siècle. Comme toutes les vierges noires, elle possède une aura particulière qui dépasse souvent le cadre religieux pour rejoindre celui du profane. En ce sens, elle est universelle car elle touche toutes les âmes, même les moins pieuses. Les vierges noires sont les survivances de la Terra Mata des hommes du Quaternaire et de la Divona des Celtes. Elles représentent encore aujourd’hui dans le cœur de nombreuses personnes, la matrice nourricière, la protectrice de la terre et des hommes, la Bonne Mère, en qui tout le monde peut se confier, croyants ou non croyants.

Si Notre Dame de Condat est la patronne des libournais, elle est depuis des temps immémoriaux celle des marins qui ne manquaient jamais de venir la prier avant de prendre la mer (ainsi appelait-on les deux rivières de la Garonne et de la Dordogne). De nombreux ex-votos (offrandes de remerciements) en forme de bateaux étaient accrochés dans la nef centrale avant d’être enchâssés dans les murs lors de la restauration du XIXème siècle. A Condat, comme à Lourdes, les ex-votos étaient si nombreux qu’il fallut les remplacer par des plaques de marbres puis par des inscriptions murales afin de pouvoir pénétrer dans le lieu. Je pourrais vous raconter nombre de ces miracles de guérison dont les anciens livres regorgent mais ce serait bien trop long ici…





Si la chapelle de Condat a retrouvé son éclat originel depuis la dernière grande restauration de 2015, elle ne conserve plus l’effervescence spirituelle de sa jeunesse. Il faut dire qu’au fils du temps, la superstition remplaçant la foi, l’espérance d’une guérison ou d’une transformation personnelle s’est muée en des désirs moins orthodoxes de possession de biens ou d’argent…
Or sans la foi, pas de miracles, pas de guérisons ni même de conversions, la source à elle-seule n’offre qu’une eau pure et limpide. Mais si la grâce divine touche un cœur désireux de guérir, alors oui, l’eau se transformera en force de vie…

                                                                                                Camille






Texte et photographies :

© Camille Desveaux

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Camilledesveaux.com


Je me ferai un plaisir de vous les dédicacer !


                                                                               









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