Les Riches Heures de la
Bastide de Libourne
30 janvier 1914
La mort de René Princeteau
Petite Biographie
Pierre-Charles-Marie
PRINCETEAU, dit René, est né à Libourne le 18 juillet 1843 dans une famille de
la haute bourgeoisie locale, propriétaire de nombreux domaines viticoles. Comme
sa soeur aînée, Thérèse, René était sourd de naissance. Après une première formation
dans l’atelier de sculpture de la ville de Bordeaux, sous la direction de
Dominique Maggesi (1807-1892), il entre à Paris en 1865 à l’Ecole impériale des
Beaux-Arts, sections sculpture et peinture, où il reçoit un enseignement
classique, basé sur le dessin d’après l’antique et le modèle vivant.
A partir de 1868 et
jusqu’en 1904, René PRINCETEAU expose régulièrement au Salon. Inspirée de ses
activités mondaines et sportives, courses et chasses, ses peintures rencontrent
un vif succès. Lié avec le comte Alphonse de Toulouse-Lautrec, il prend sous sa
protection le jeune Henri et devient son professeur. Dans son atelier, René
PRINCETEAU reçoit de nombreux artistes : John Lewis Brown (1829 - 1890),
peintre et graveur bordelais avec qui il partage le goût de la peinture de
chevaux, ou Jean Louis Forain (1852-1931).
La guerre de 1870,
à laquelle il participe, lui offre ses premiers grands sujets historiques. Au
Salon des Artistes français de 1872, il présente Patrouille de Uhlans surprise
dans une embuscade de francs-tireurs (dépôt de l’Etat en 1875 au musée des
beaux-Arts de Libourne). Le Président de la République Mac Mahon lui commanda
pour Versailles son portrait équestre grandeur nature. Il réalisa également le
portrait équestre du Duc Decazes et de nombreux aristocrates. Celui de
Washington, qu’on a pu admirer à Libourne, durant la rétrospective, lui valut
une médaille à Philadelphie.
A partir de 1880,
sans abandonner complètement sa vie et son atelier parisiens, René PRINCETEAU
revient de plus en plus fréquemment dans son domaine familial de Pontus, à
Fronsac, près de Libourne. Il y fait installer un nouvel atelier, dans la cour
du château, où il travaillera jusqu’à la fin de sa vie. Il continue de peindre
des scènes de chasse, mais le monde rural deviendra son sujet privilégié. Très
affecté par le décès de sa mère en 1903, affaibli par la maladie, il décède en
1914 dans sa propriété de Pontus, à Fronsac.
Le Musée de
Libourne possède 26 toiles et plus de deux cents dessins de ce peintre. Une
place et un collège éponymes lui sont attribués.
Camille Desveaux
Son œuvre, sa mémoire
Notre
propos n’est pas de faire ici une analyse détaillée de l’œuvre de cet artiste
libournais. Rappelons simplement qu’elle comporte trois volets
principaux :
Ø
Une période correspondant aux années de
formation avec des sujets académiques ou à caractère militaire.
Patrouille des Ulhans surprise dans une embuscade, René Princeteau, 1871, Musée de Libourne |
Il reste peu de choses des œuvres de
formation à sujet académique telles que « L’enlèvement des Sabines »
ou encore « Hercule enchaînant Cerbére »., En revanche il est
possible d’admirer au musée de Libourne un chef d’œuvre de peinture
militaire exécuté par Princeteau : « Patrouille de Uhlans
surprise dans une embuscade ». Un tableau nocturne qui dépasse de très loin
le clair obscur classique pour mieux saisir le spectateur par la fulgurance du
combat, de la chute des cavaliers et de la mort des hommes et des animaux,
scène de combat d’une guerre de 1870 que Princeteau, alors parisien, a traversé
de très près. Il en ressort une sorte de noir malaise héroïque proche de celui
que la France ressentait encore quand le tableau fut peint, deux ans après la
défaite. Avec de telles œuvres Princeteau assoit une notoriété qui ne fera que
s’accroitre par la suite. La facture de ses tableaux ne se rattache déjà plus à aucune école. Elle restera libre tout au
long de son œuvre.
Ø Avec le volet équestre de
son œuvre, René Princeteau nous peint des scènes de courses et d’entraînement
de chevaux, des scènes de chasse à courre, et des portraits équestres.
Monté à Paris, les origines sociales de René
Princeteau lui permirent d’accéder aux milieux huppés de la belle époque, et
aussi de toujours rester en contact avec le milieu équestre. La fréquentation
des champs de courses et des chasses organisées notamment à Chantilly par le
duc d’Aumale lui procura de nombreux sujets, qu’il traita toujours avec une
sensibilité personnelle et un sens remarquable des coloris. Excellent cavalier
lui même il parvient à imprégner ces toiles du ressenti des scènes dont il avait
été sinon un acteur du moins le témoin, et dont il avait pris les croquis sur
le vif. C’est au cours de l’une de ses chasses qu’il rencontre le Comte
Alphonse de Toulouse-Lautrec-Monfa. Son fils, Henri, alors âgé de 7 ans,
présente déjà de remarquables prédispositions pour le dessin et la peinture. Il
ne cessera de fréquenter l’atelier de
Princeteau et, deviendra son unique élève et son ami avant de devenir le grand
artiste que l’on connaît.
Ø Enfin un volet rural de
l’œuvre de René Princeteau qui est celui des paysages de campagne, des cours de
ferme, des animaux de trait saisis en plein travail.
A partir de 1883 René Princeteau revient
vivre dans une propriété familiale, le château Pontus. Il y aménage un atelier
dans l’une des dépendances du domaine et trouve dans la campagne libournaise de
nouvelles sources d’inspirations assez éloignées de sa précédente période.
Néanmoins on retrouve dans ces tableaux la thématique animalière, le traitement
des couleurs, et cette sensibilité qui permet au spectateur d’entrer dans le
tableau, de la même façon que l’artiste a vécu la scène qu’il à peinte
Actuellement encore à Libourne certains lieux
restent imprégnés de la présence de René Princeteau.
Ø La place René Princeteau où,
juste à coté de la poste, à l’angle de la rue Orbe et de ce qui était alors la
place la Paix, se situe la maison natale de l’artiste. Au centre de cette
place, depuis 1974 une stèle lui rend hommage. Le médaillon de bronze avec le
portrait en relief de René Princeteau est l’œuvre d’Henry Moreau à qui nous
devons également le monument aux morts de notre ville.
Ø L’hôtel de Ville de Libourne
est décoré de plusieurs œuvres de grand format, notamment la salle du Conseil
avec quatre scènes de course. Par ailleurs de nombreuses œuvres de Princeteau
sont également exposées dans le Musée. Elles font apparaître la diversité de
son œuvre. L’on peut y admirer notamment « Patrouille de Uhlans surprise
dans une embuscade », ainsi qu’une ébauche de cette œuvre utile à la
compréhension du travail de création de l’artiste. Un lieu dont nous ne pouvons
qu’encourager la visite.
Ø Enfin au cimetière de La
Paillette, section D, le caveau familial où repose René Princeteau depuis un
siècle.
Jean-François Le Strat
pour l’OPPAL