La Miséricorde de Libourne
Maison de
Charité fondée par Elisabeth Yon
Depuis 180 ans, la Miséricorde de Libourne s'est consacrée aux femmes dans la détresse (prostituées, femmes battues, femmes caractérielles) avant de s'étendre aux personnes déficientes mentales. Le charisme des accompagnants (religieuses puis personnel encadrant) est resté le même: accompagnement, aide à la réinsertion dans un esprit de liberté, de dignité et d'amour. Découvrez ce lieu exceptionnel, qui a traversé près de deux siècles, vu renaître Libourne de ses cendres après la Révolution Française et connu une mutation réussie entre ses fondements originels et sa réalité d'aujourd'hui.
Depuis 180 ans, la Miséricorde de Libourne s'est consacrée aux femmes dans la détresse (prostituées, femmes battues, femmes caractérielles) avant de s'étendre aux personnes déficientes mentales. Le charisme des accompagnants (religieuses puis personnel encadrant) est resté le même: accompagnement, aide à la réinsertion dans un esprit de liberté, de dignité et d'amour. Découvrez ce lieu exceptionnel, qui a traversé près de deux siècles, vu renaître Libourne de ses cendres après la Révolution Française et connu une mutation réussie entre ses fondements originels et sa réalité d'aujourd'hui.
(Partie I)
Elisabeth YON |
Le 2 février 1837, naissait à Libourne, sous
l’impulsion d’Elisabeth Yon, l’œuvre de la Miséricorde,
fondée trente années plus tôt à Bordeaux par Marie-Thérèse Charlotte de
Lamourous à la demande de son directeur spirituel, le père Joseph Chaminade.
Maison de charité destinée à accueillir les
prostituées désireuses de changer de vie, elle étendit peu à peu son action aux
femmes et aux jeunes filles issues des milieux défavorisés avant de devenir le
centre d’aide et d’accompagnement que nous connaissons aujourd’hui, situé 50
rue Lamothe à Libourne.
En 2017, la Miséricorde de Libourne fêtera ses 180 ans : 180 ans
d’histoire, 180 ans de passion, 180 ans d’amour…
De Bordeaux à Libourne, de Cahors à Laval, de
Cracovie à Varsovie, c’est au sein de cette fondation religieuse qu’entra Sœur
Faustine le 1er août 1925. Cette même congrégation où le Christ,
apporta à travers elle, le grand message de la miséricorde divine, comme un
accomplissement à l’œuvre prophétique de la première supérieure fondatrice : Marie-Thérèse
Charlotte de Lamourous.
Si
vous étiez venue, nous serions sauvées !
Rien ne prédestinait Marie-Thérèse de
Lamourous à créer cette œuvre de charité. Profondément chrétienne, Marie-Thérèse
s’était distinguée pendant la Révolution Française par son courage et sa
détermination à aider les prêtres réfractaires à se cacher ou à fuir les
persécutions. Au péril de sa vie et après plusieurs arrestations, elle brava
les révolutionnaires, œuvrant à la restauration du catholicisme à Bordeaux.
Issue d’une famille de la noblesse bordelaise, elle dut s’exiler avec son père
dans leur maison du Pian Médoc où elle continua son action de résistance
chrétienne face à la folie révolutionnaire.
En 1800, le calme revenu, le Père Chaminade, son directeur spirituel,
souhaitait lui proposer la direction de l’œuvre qu’il venait de créer, la
Congrégation de l’Immaculée Conception, intimement persuadé que le salut de la
France viendrait de la Vierge Marie.
Marie-Thérèse de Lamourous |
Au beau milieu de la nuit, rassemblant ses
affaires, elle prit la route de Bordeaux à dos de mule pour rejoindre son amie
et le père Chaminade. Le soir venu, faisant mine de partir, elle leur
dit : « Bonsoir, je reste ! ».
L’œuvre de la Miséricorde était née.
Mademoiselle YON
Elisabeth YON |
La jeunesse d’Elisabeth
Elisabeth Yon vit le jour au soir d’un 23
janvier 1786 à Libourne. Son père Etienne, originaire de Lesparre, y exerçait
le métier de surveillant et d’agent du génie civil chargé de l’entretien du
matériel des casernes (casernier). Les casernes avaient été fondées un quart de
siècle plus tôt près de la porte de Saint-Emilion par l’architecte M.Toufaire, selon
la volonté du duc de Richelieu. Les premières troupes, quant à elles, n’y
furent logées qu’en 1773. C’est là que vivait la famille Yon.
Par sa mère, Mme Murat, Elisabeth appartenait
à une famille de commerçants aisés originaires du Cantal. Son oncle, l’abbé
Murat fut un prêtre très estimé qui dirigea la cure de Pauillac pendant plus de
trente ans. Homme d’une grande piété, il avait lui aussi bravé les foudres
révolutionnaires devenant une véritable légende de son vivant. Né et mort à
Libourne, plusieurs biographies lui sont consacrées éclairant l’enfance
d’Elisabeth.
Malgré ce terreau fertile à l’éducation d’une
jeune fille, milieu aisé et éclairé, Elisabeth ne profita guère d’une
instruction soignée. Elle avait sept ans lorsque la Terreur éclata en France et
l’accès à la culture lui fut fermé. Sa mère, modèle de charité, lui donna bien des
leçons de piété mais la soif de connaissances d’Elisabeth restait intarissable.
Elle put tout de même arpenter les bancs de l’école jusqu’à l’âge de onze ans,
se distinguant des autres élèves par sa passion pour les sciences humaines,
mais de santé fragile et suffisamment instruite selon sa mère, elle dut arrêter.
Elisabeth,
face à son destin
Une jeunesse solitaire
De son manque d’instruction, Elisabeth décida
d’en faire un atout, tremplin vers l’avenir. Elle s’attela seule à la tâche et,
en autodidacte décidée, commença à dévorer les livres qu’elle avait en passion.
Aucune difficulté ne l’arrêtait et après la lecture ce fut au tour de la
géométrie de bénéficier de sa soif d’apprendre. Elle étudiait seule, ni les
planches, ni les chiffres, ni les signes mystérieux ne la rebutaient, sa
mémoire était immense. Elle devint très vite une infatigable et excellente
élève.
Pourtant son cœur la taraudait. Dans ses
chroniques, elle décrit elle-même, avec une grande lucidité, la sensibilité démesurée qui la caractérisait.
Son attachement aux personnes et aux choses lui jouait des tours et lui faisait
éprouver plus durement les émotions et les peines.
Pendant trente ans, Elisabeth évolua dans son
monde solitaire, en quête d’un bonheur spirituel et humain qu’elle ne trouvait
pas.
Elle écrit : je vivais ma jeunesse
« sans être dans le monde, toujours voulant le bien, l’estimant et ne le
faisant pas ! ».
La rencontre avec l’abbé Charriez
Eglise Saint Sulpice à Paris |
Le cloître des Récollets (Médiathèque) de Libourne © Norbert Jung (Libourne) |
L’abbé Charriez, quant à lui, prit la tête
d’une Congrégation du père Chaminade à Libourne et s’installa dans une annexe
de la chapelle des Récollets qu’il racheta. Il secondait le père Rouquet, curé
de la paroisse, heureux du zèle et de la grande foi de son nouveau protégé. En
tant que directeur de la Congrégation, le jeune abbé Charriez convainquit Elisabeth
Yon, pieuse et fidèle paroissienne, d’intégrer la branche féminine de la
Congrégation.
Et le « 20 décembre 1820, dit Elisabeth,
j’entrai dans la Congrégation de l’Immaculée Conception de la Sainte
Vierge ! ». L’abbé charriez, dont la devise était « Dieu
Seul » devint son directeur spirituel.
Dieu Seul !
La fondation de la Congrégation de
l’Immaculée Conception à Libourne avait été voulue par le père Chaminade
lui-même, en accord avec l’abbé Rouquet, curé de Libourne, afin de rendre
durables les fruits d’une Mission que ce dernier avait porté dans la paroisse
en 1819. Dans l’esprit d’évangélisation que connaissait Bordeaux après la
Révolution Française, il s’agissait de donner un nouveau souffle de foi aux
jeunes laïcs qui épousaient les différents niveaux de la société. Certains
pouvaient se lier par des vœux privés à la Congrégation tout en restant dans le
monde. C’est ce que fit Elisabeth le 8 septembre 1824.
En intégrant la grande famille des
Congréganistes, Elisabeth s’engouffrait à corps et à cœur dans l’institution du
père Chaminade sur les pas de sa fille spirituelle Marie-Thérèse de Lamourous. Elle
œuvrait pour la Congrégation mais s’imprégnait peu à peu de l’esprit de la Miséricorde.
Dix ans après son entrée dans la Congrégation
elle comprit qu’elle devait elle-même établir une œuvre solide. Cette vie ne
lui suffisait pas, son âme était troublée. Un appel intérieur la fit s’arrêter
sur les paroles de l’Evangile : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu
et sa justice, le reste vous sera donné par surcroît ».
L'entrée du Couvent des Annonciades (DRAC) |
La Maison de la Miséricorde à Bordeaux |
Elisabeth ne le savait pas encore mais cette
phrase était la devise de Marie-Thérèse de Lamourous. Son intuition la guida
jusqu’à la place Sainte Eulalie à Bordeaux où elle commença à fréquenter la Miséricorde et à voir ce qui s’y
passait. Elisabeth était impressionnée par la vieille Bonne Mère que tout le
monde considérait comme une sainte et
qui avait réussi à sauver des centaines de femmes de leur vie de perdition.
Elle lui avait amenée une jeune fille, un jour, que la Bonne Mère malade avait
bénie et elle était repartie bouleversée par le charisme et la bonté de la
fondatrice.
Au cours d’une messe, Elisabeth reçut une
sorte de révélation intérieure : être seule et réussir !
Alors elle demanda un signe à la Vierge
Marie : si la volonté de Dieu est de créer une Miséricorde comme celle de Bordeaux, qu’elle lui envoie une
personne qui voudra payer le loyer d’une maison destinée à cette œuvre. Après
une neuvaine de prières qui se termina le 15 août, une jeune femme se présenta
chez elle et lui dit : « Louez une maison, Mademoiselle Yon, je
paierai ! ».
Sa décision était prise, elle créerait la Miséricorde de Libourne et aurait pour
devise, Dieu Seul !
La suite bientôt...
Camille Desveaux
(©Il était une fois... la Miséricorde de Libourne" Exposition du 25 au 30 janvier 2016 à la Miséricorde de Libourne)
(©Il était une fois... la Miséricorde de Libourne" Exposition du 25 au 30 janvier 2016 à la Miséricorde de Libourne)