Charlemagne à LIBOURNE !
Le 28 janvier
dernier, dans un fracas assourdissant de cors et de trompettes, l’empereur
Charlemagne est entré en personne, accompagné de son épouse et de sa cour, dans
l’église Saint-Jean-Baptiste de Libourne. Dans un halo de lumière pourpre, sous le
regard médusé des spectateurs, le roi des rois s’est avancé vers les notables
de Condatis (ancien nom de Libourne) brandissant un reliquaire en or et
s’exclamant haut et fort :
« Moi Carolus Magnus, fils de Pépin le Troisième
et de Bertrade de Laon, Roi des Francs et Empereur de tout l’Occident, je
déclare offrir à ma chère ville de Condatis, près de laquelle je fis ériger le
château de Fronsac en l’an de grâce 769, une Sainte Epine de la Couronne de Notre
Seigneur Jésus Christ, en remerciement de ses bons et loyaux services et de
l’accueil qu’elle me fit. Grâce à elle j’ai pu vaincre l’irréductible ennemi et
sceller la paix dans le royaume de France ! »
Douze siècles
après la construction du château de Fronsac, qui lui a permis de remporter la
victoire sur Hunold, l’empereur est revenu en terre condataise pour nous conter
l’histoire que seuls les livres renferment.
Une histoire insolite et vivante, toute droit
sortie du magnifique spectacle éponyme : « Vivants » qu’un
millier de Libournais a eu la chance de découvrir pour les 10 ans du Festival
de la Lumière !
Suivez-moi,
je vais vous la raconter !
…
En ce temps là, Libourne s’appelait encore
Condatis…
Selon les chroniques d’Eginhard, en l’an 769,
en Aquitaine, « un certain Hunold aspirant au pouvoir, excita les
habitants à machiner de nouveaux complots » contre le futur empereur
Charlemagne qui décida de venir mater la rébellion en personne. Ses émissaires
découvrirent, dans l’intérieur des terres, un lieu éminemment
stratégique : un tertre surplombant la Dordogne de près de 70 m de haut,
situé juste en face de la cité de Condatis. Toutes les conditions s’y
trouvaient réunies pour bloquer l’adversaire. « C’est ici que Charles, en
attendant le retour de ses envoyés, bâtit un fort nommé Fronsac », qui
devint selon Camille Jullian, « la clef de la défense militaire de tout le
bordelais ».
Le futur empereur aurait vécu à Condatis, le
temps de la durée des travaux. L’historien Souffrain raconte comment la
présence du roi modifia considérablement la physionomie politique et économique
de la cité. Après sa victoire sur Hunold, Charlemagne promit de récompenser la
ville.
La légende veut que
quarante ans plus tard, il fasse don aux notables de Condatis d’une épine de la
Couronne du Christ…
C’est cette scène que les créateurs du
spectacle « Vivants » ont imaginé douze siècles plus tard :
« Relevez-vous
mes amis ! Je nomme la confrérie de Saint Clair, gardienne de la Sainte
Epine de Condatis, afin qu’elle ne soit jamais l’objet de détournement ou de
convoitise et par les saints pouvoirs qui me sont conférés je vous bénis, vous
les maire et jurats de la dite-ville, et vous mes fidèles soldats ainsi que
vous tous ici présents !»
Depuis ce jour la Sainte Epine est l’un des trésors de l’église Saint Jean. Considérée comme le plus vieil objet patrimonial de la ville, elle est conservée dans un coffre fort. Si son importance a périclité dans le cœur des libournais, il ne faut pas oublier qu’elle fut pour Libourne, au Moyen Age, un symbole de pouvoir absolu, tant sur le plan politique que spirituel attirant à son chevet les plus grands monarques et les personnalités marquantes de l’histoire : Aliénor d’Aquitaine et son époux Henri II Plantagenêt, les rois Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre, le roi Edouard Ier d’Angleterre, le Prince Noir et son épouse Jeanne de Kent, Bertrand Du Guesclin, Louis XI… et même Louis XIV en personne !
Après la Révolution Française, la Sainte Epine fut
expertisée à la demande du Cardinal Donnet et l’église Saint-Jean, grâce aux
largesses du Duc Decazes, connut une période de restauration sans précédent.
C’est de cette période faste qu’a jailli l’idée de
créer un spectacle sur l’église Saint-Jean-Baptiste et son histoire. La troupe Lever de Rido : 90 bénévoles de
l’ensemble pastoral du RIDO (Rives de l’Isle et de la Dordogne) a redonné vie
aux grands personnages qui ont fait la gloire du monument mais aussi aux
figures de sainteté qui ornent vitraux et chapelles de l’édifice.
Sainte Marie Madeleine, Saint François d’Assise, Saint Antoine de Padoue, Saint Jean Baptiste… tous s’étaient donné rendez-vous
sur la scène offrant au public la réalité bien tangible d’une vie parfois
oubliée.
Mais la reine du spectacle fut sans conteste la jeune
Jeanne d’Arc dont l’entrée triomphale a provoqué l’admiration générale. Juchée
sur son fringant destrier, elle a parcouru la foule comme dans un rêve, fière
et hardie, à la tête d’une armée sans nombre…
« Tout ce qui
se rapporte au divin est de l’ordre de l’invisible !
C’est le cas de
tous les êtres qui sont en communion avec Dieu : ils constituent le monde
invisible !
On a voulu me faire
passer pour une folle mais que je n’étais qu’une fille de Dieu ! »
Ce soir là, dans l’église Saint-Jean Baptiste, le
monde invisible était bel et bien vivant, avec nous !
Un
festival de vie dans une farandole de couleurs !
Le jeu de lumières a offert aux spectateurs une vision féérique de l’église et de son architecture : un chef d’œuvre théâtral et pictural dont on ne peut que remercier chaleureusement les organisateurs!
Un Immense bravo!